Forecast – Février 2010

Par Jean Christophe Bataille

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Macroéconomie

Contrairement à ce que disent les économistes, j’observe sur le terrain des grandes entreprises françaises une hausse des prix du business to business et une tendance à la sous-capacité de production dans bon nombre de secteurs chez les émergents. La priorité des entreprises aujourd’hui n’est pas de négocier à la baisse les prix concédés par leurs sous-traitants dans les pays émergents mais d’avoir la certitude d’être livrés. On est donc très loin du discours ambiant dans les milieux économiques catastrophistes mettant en avant une surcapacité de production mondiale. Je me méfie donc de plus en plus du discours des théoriciens isolés du monde réel en opposition totale avec les constats réalisés sur le terrain. Je pense en particulier à Patrick Arthus qui semble appuyer l’ensemble de ses conclusions sur l’excès de capacité industrielle chinoise. Un examen précis de la situation montre que les chiffres intègrent de multiples usines de l’époque de Mao dont la productivité est quasi nulle.

La locomotive des émergents a pour l’instant plus que compensé la diminution de consommation occidentale et la machine économique mondiale fonctionne à peu près correctement. Nous n’allons donc pas assister à un effondrement de la croissance mais un déséquilibre profond entre les émergents abordant leurs trente glorieuses et un occident désindustrialisé, endetté et en panne de croissance. L’explication est simple : il est de plus en plus évident que les économies émergentes ont découplé et elles ont des réserves de change capables d’alimenter leur croissance.

Les taux d’intérêt

Les tensions sur les taux courts chinois et les taux longs des PIGs ont récemment poussé les indices actions vers le bas.

Cette pression sur les taux risque de s’accentuer avec la volonté chinoise de diminuer l’octroi de crédit dans une économie en surchauffe. Nul doute que les actions vont subir une très forte volatilité si le jour le jour chinois continue son ascension.

La difficulté des pays de l’OCDE à financer leur déficit va probablement conduire les banques centrales à poursuivre leur politique accommodante.

Nous ne croyons pas à une déflation profonde mais à une situation inédite créée par la politique de Ben Bernanke tentant de maintenir un équilibre fragile entre les forces du désendettement et celle de l’expansion monétaire dont l’issue à moyen terme ne peut être qu’une stagflation par excès de création de monnaie et par importation d’une hausse des prix issue des pays émergents. Ces deux forces, l’une désinflationniste, l’autre inflationniste vont influencer, au gré de leur affrontement, les indices actions et le prix du dollar. Les pays qui devrait à terme être moins sensibles à l’inflation sont les pays fortement exportateurs comme l’Allemagne et le Japon. 

Une tension sur les taux longs occidentaux n’est pas à exclure en particulier avec les craintes sur la dette des PIGS mais il nous semble que, dans la montée de l’aversion au risque, les obligations vont au contraire servir de refuge pour encore un bon moment, limitant sauf imprévu le risque de krach obligataire et de survenue brutale de fuite devant la monnaie. Ce mécanisme de course au cash alimenté par le désendettement et l’épargne autorisera probablement encore cette année la poursuite des politiques non conventionnelles de Quantitative Easing sans trop faire monter les taux longs, en particulier sur le dollar. Ces politiques devraient permettre d’amortir les nouvelles vagues de défaut de crédit à venir qui, là encore, sont évaluées du simple au quadruple selon les économistes.

La croissance américaine malgré le bon chiffre du dernier trimestre devrait rester atone du fait de l’importance de la dette car les contraintes budgétaires devraient interdire le renouvellement des plans de relance à la consommation de 2009.


Les actions

L’évolution des actions devaient être beaucoup plus heurtée alternant phases de hausse et de baisse.

– Phases de rechute temporaires dont il est encore difficile d’évaluer l’amplitude et fonction de nombreux facteurs comme les craintes sur les taux obligataires ou le montant des défauts de crédits à venir. Une nouvelle crise du marché interbancaire pourrait pousser les indices plus bas mais cette hypothèse n’est pas la plus probable si l’on tient compte de l’aspect fantaisiste de certaines informations sur les perspectives de défauts de crédit.

– Phases de hausses temporaires portées par le rebond de la capacité bénéficiaire des entreprises liées aux réductions de coûts particulièrement drastiques mises en oeuvre par les sociétés, comme la réduction massive de stocks, les licenciements, ou encore la réduction de la charge d’intérêt consécutive à la baisse des marges de crédit et à la faiblesse des investissements.

Nous avons la certitude que les actions des pays émergents et des matières premières vont progressivement superformer largement les indices occidentaux tout souffrant de la même volatilité.

Il faudra donc mettre à profit les creux de marché pour procéder à des achats à bon compte. Nous nous tenons donc prêt a effectuer quelques acquisitions sur certaines valeurs parapétrolières et certains fonds des pays émergents. Nous signalerons ces prises de position par publication d’un article ou d’un message dans le Forecast et le File trading.

Nous pensons également que la correction de l’or sera de courte durée et limitée en amplitude.

Allocation d’actifs pour Février

Les 4 % d’actions défensives de haut rendement profitent de la situation actuelle à la hausse comme à la baisse. A la hausse, car elle bénéficient de la rotation sectorielle après la forte hausse des small cap et des cycliques. A la baisse car elles affichent une forte résistance du fait de leur caractère acyclique.

Le compartiment obligataire indexé reste relativement stable alors que les obligations émergentes sont en bonne position pour une réévaluation des monnaies locales versus dollar.

L’or consolide de façon naturelle et pourra être renforcé en direction de 1030 $ comme prévu lors du dernier Forecast.

Les répartitions patrimoniales pour février 2010 restent inchangées pour l’instant mais sont suceptibles d’évoluer durant le mois :

Pour les patrimoines supérieurs à 1.5 millions d’euros :
Or physique 7%
Mines d’or 5%
Mines d’or moyenne importance 0-2%
Euros 25-23%
Obligations taux fixes 0%
Obligations émergents 3%
Obligations taux variables 5%
Actions Emergents 2%
Energie matières premières 2%
Actions défensives européennes 4%
Avoirs spéculatifs 2%
Immobilier 45%
Pour les patrimoines sités entre 400 000 euros et 1.5 millions d’euros :

Or physique 7%
Mines d’or 5%
Mines d’or moyenne importance 0-2%
Euros 16-14%
Obligations taux fixes 0%
Obligations émergents 3%
Obligations taux variables 5%
Actions Emergents 2%
Energie matières premières 2%
Actions défensives européennes 3%
Avoirs spéculatifs 2%
Immobilier 55%

Pour les patrimoines inférieurs à 400 000 euros :

Or physique 8%
Mines d’or 6%
Mines d’or moyenne importance 0-2%
Euros 60-58%
Obligations taux fixes 0%
Obligations émergents 3%
Obligations taux variables 6%
Actions Emergents 3%
Energie matières premières 3%
Actions défensives européennes 6%
Avoirs spéculatifs 5%



15 réflexions au sujet de « Forecast – Février 2010 »

  1. J C Bataille écrit:
     » Il est de plus en plus évident que les économies émergentes ont découplé et elles ont des réserves de change capables d’alimenter leur croissance. »

    J’ai l’impression que la politique monétaire des pays développés les y a bien aidés. (carry trade) La hausse fulgurante de l’immobilier à Singapour,ou pire à Shanghai ne me semble pas le fait des
    seuls investisseurs locaux.Ni sûrement la hausse de l’ensemble des actions émergentes.

    Le Brésil a déjà restreint l’entrée de capitaux étrangers et la Chine ne devrait pas tarder à monter ses taux pour freiner sa croissance et son inflation.C’est vrai qu’avec 2400 Mds de $ de
    réserves en devises fin 2009 (+23%) elle a les moyens d’alimenter la locomotive plusieurs années,d’autant que les pays développés couverts de dettes ont intérêt à ce que la part de la consommation
    low-cost des consommateurs ne fasse que grandir pour rendre plus indolore la baisse des revenus que provoquera inévitablement une hausse des prélévements de ceux qui sont aussi des contribuables.
    Le cost killing des entreprises ira dans le même sens.La crise n’aura-t-elle servi qu’à accélérer le processus? Tout à fait dans les idées de Milton Friedman…

    Stronger yuan must precede rate increase:
    http://www.bloomberg.com/apps/news?pid=20601089&sid=aVNPYhrO8WtA

  2. Bonjour et merci pour cette analyse qui ose la différence sur les émergents.

    Je suis régulièrement en Chine, chaque fois stupéfait de l’invraisemblable rapidité de son développement, mais je ne dispose pas de vos sources d’information, ni de la capacité de tirer des
    conclusions générales (ou macro-économiques) du peu que je suis en mesure d’observer personnellement.

    Mon commentaire ne cherche pas à vous faire produire vos sources mais, si vous en avez le temps et l’envie, j’aimerais que
    vous précisiez un peu plus concrètement les observations et informations qui ont construit votre opinion.

    Il y a certes la mise en oeuvre gouvernementale massive d’infrastructures multiples, qui pèse déjà quelques % de croissance (en matière d’infrastructures, on peut d’ailleurs souligner l’effet
    forcément retardé du stimulus et en déduire que les travaux en cours ont en grande partie été initiés avant fin 2008, pour la plupart, et que le meilleur reste à venir…).

    Il y a aussi la fameuse émergence d’une classe moyenne de près de 400 millions de personnes, dont nombreux sont ceux qui achètent des voitures – notamment – et ont permis à la Chine de prendre le
    leadership du marché auto aux américains.
    Mais cette classe moyenne dispose d’un revenu mensuel moyen encore modeste d’environ 500€ (à vérifier) Ne doit-on pas en conclure que s’il ne fait aucun doute qu’elle alimente aussi la croissance,
    ce n’est pas encore de manière suffisamment significative, d’autant que cette classe moyenne aurait une tendance lourde à épargner massivement ?

    Quels sont alors les autres caractéristiques de la forte croissance chinoise?
    Vous n’êtes pas seul sur ce terrain : un de mes contacts présent à Shanghai depuis 15 ans soutient même qu’elle est nettement supérieure à 12-13%… ce qui validerait votre remarque sur
    l’intégration des rendements des usines mao à ceux des usines plus récentes… histoire de détendre la croissance!

  3. Bonsoir,
    concernant les prix en magasins, j’ai l’impression que les soldes dures depuis + d’1 an.
    Concernant les entreprises, dans mon secteur (industrie pour les industriels) on est sur un plateau a -20% de CA par rapport a 2008. Il n’y a que la Chine qui a retrouve son niveau d’avant crise
    (vous disiez decouplage ?) Pas en surcapacite (les interimaires de l’usine en ont fait les frais) ni en sous-capacite (mais on y vient par des plans de depart en pre-retraite, prime au
    depart…).
    Bref, c’est plutot en phase avec ce que JCB decrit en debut d’article.

    ++
    ddl

    ps: Dacian, pas naive, naif svp.
    ps2 : si j’etais un industriel, j’irai plutot ouvrir des entreprises aux USA qu’en Chine en ce moment. USD a – de 7 RMB, reserve de main d’oeuvre moins gourmande, qualifiee, et nombreuse (10% de
    chomage ?). Ou bien est ce encore un poil trop tot ?

  4. Bjour JCB, une question autour de l’alloxation immobilière en fn du patrimoine
    pouvez vous préciser pquoi elle est nulle sous 400 000, et entre 40 à 60% au dessus.
    Est ce lié aux perspectives d’inflation?
    A quel moment les petits patrimoines se chargeront ils en immob?( si c’est prévu )
    la tendance pour les patrimoines sup est elle de s’alléger ensuite ou au contraire de renforcer?
    merci de vos réponses, par avance

  5. Les médias et les politiques commencent à s’échauffer un peu partout au sujet de la Chine et de son peg
    sur le dollar.

    http://www.ft.com/cms/s/fc056484-10fb-11df-9a9e-00144feab49a,Authorised=false.html?_i_location=http%3A%2F%2Fwww.ft.com%2Fcms%2Fs%2F0%2Ffc056484-10fb-11df-9a9e-00144feab49a.html&_i_referer=http%3A%2F%2Fdelong.typepad.com%2F

    On dirait qu’ils viennent juste de comprendre ce qui se passe depuis des années.  Même mes compatriotes belges s’y mettent :-)

    Les ministres de l’Economie flamand et wallon défendent ensemble
    l’importance de la réindustrialisation de la Belgique. La prochaine présidence belge de l’Europe est selon eux l’occasion de mettre cette idée en avant.

    Bruxelles (L’Echo) – Kris Peeters, ministre flamand de l’Economie (CD&V), et Jean-Claude Marcourt (PS), ministre wallon de l’Economie, veulent remettre l’industrie au goût du jour à
    l’occasion de la présidence belge de l’Europe.

    « Une économie trop basée sur les services, c’est dangereux. Et au niveau industriel, on ne peut pas concurrencer la Chine et ses bas salaires « , avance Kris Peeters.  » Nous
    voulons montrer que les trois Régions veulent ensemble défendre une politique industrielle forte qui soutiendra notre économie « , ajoute Jean-Claude Marcourt.

    Après nous avoir chanté pendant tant d’années que le futur c’était l’économie de services … Un peu tard comme prise de conscience.

    L’affrontement commercial entre US/Europe et Chine se rapproche et semble inéluctable.

    Ceci dit, notre position est très hypocrite. Lorsque la Chine est entrée à l’OMC, les occidentaux pensaient tirer les marrons du feu, mais maintenant qu’ils se rendent compte que les chinois sont
    loins d’être des imbéciles …

  6. Une preuve « officielle »de cette hypocrisie dénoncée par le commentaire précédent:

    Actuellement le dollar est à 6,83 yuans.Or la parité de pouvoir d’achat que retient le FMI pour établir les chiffres de l’économie chinoise est de 3,40 yuans pour un dollar.Comme c’est étrange!

    Ce qui sous-entend que le yuan devrait être réévalué de 100% ou si l’on préfère,que le dollar et l’euro devraient être dévalués de 50% contre yuan.Même à ce taux,l’ouvrier chinois malgré sa faible
    productivité serait encore très compétitif…

    Alors,illumination soudaine de nos dirigeants soudain submergés par le remords ou crainte de la vindicte populaire? Véritable retour de balancier vers une réindustrialisation des pays de l’OCDE,ou
    plus simplement posture succédant à l’imposture?

    Antoine Brunet président de AB
    Marchés m’a fourni  la preuve de cette hypocrisie,et des pistes pour la suite des événements:

    http://www.zonebourse.com/informations/actualite-bourse/L-enorme-sous-evaluation-du-yuan-destabilise-les-pays-occidentaux–13313630/

  7. Bonsoir Philippe,
    Quelques élement suppléments supplémentaires. Les cadres chinois n’ont qu’une peur, c’est que les ouvriers chinois repartis chez eux pour le nouvel an chinois ne reviennent pas bosser. Il y a une
    pénurie de main d’oeuvre, les cadres chinois changent de boites comme de chemise. Ils n’ont que l’embarras du choix. J’appelle ca un marché du travail tendu pas une situation de crise.

  8. Bonsoir Ben,
    Le petit patrimoine type est sensé ne pas comprendre d’immobilier et être dans la perspective d’un achat avec apport personnel. Mais c’est très théorique car à 400000 euros de patrimoine on est
    souvent déjà propriétaire. C’est pour ce patrimoine que se pose le problème de la baisse des prix de l’immobilier a venir dont l’effet serait anihilé par la hausse des taux longs.

  9. (AOF / Funds) – Carmignac Gestion a annoncé avoir réduit temporairement l’exposition nette au risque actions sur l’ensemble de ses fonds dans le courant du mois de janvier. Le gestionnaire d’actifs
    s’inquiète de ce que la reflation économique par les politiques fiscales puisse devenir inopérante du fait de la saturation des marchés obligataires de dette souveraine. Il avertit que dans une
    telle hypothèse, il risquerait de réviser en baisse ses prévisions de croissance.

    Carmignac Gestion prévient également que nous risquons de « voir resurgir le spectre d’une spirale déflationniste à un moment où tout un chacun se préoccupe encore d’un retour de l’inflation ».

    Il ne croit pas cependant que nous assistons à la fin de l’euro ni que la Grèce doive sortir de la zone euro. « L’Europe et la BCE devront soutenir, voire venir au secours de ces pays en difficulté
    et leur permettre de réduire leurs dépenses publiques à un rythme acceptable pour les populations », explique-t-il.

  10. @jcb

    Bonjour

    Que pensez vous d’un investissement directe dans une petite centale hydroélectrique ?

    Compte tenu des spécificités du marché francais de l’électricité (prix < 40% au marché européen), un investissement, même à crédit, vous semble t'il risqué ?

  11. Bonjour Max,

    Qu’entends-tu par investissement dans une petite centrale hydroéléctrique?
    Cela consiste-t-il à devenir actionnaire d’un petit producteur hydroélectrique ou à participer au montage d’une centrale microhydrolélectrique au fil de l’eau (exemple : un ancien moulin à eau
    transformé en alternateur ~ facilement plusieurs centaines de kilowattheures).

    Daniela

  12. Bonjour Daniela

    Ma première idée est un projet de rachat d’une centrale existante.

    Mais je m’intéresse également à la possibilité de transformation rénovation d’un moulin.

  13. Bonjour Jean Christophe,
    Depuis l’année dernière, conscient du risque de chute important des marchés je ne suis positionné sur le marché action que sur la partie spéculative de mon portefeuille, soit 15% de mon
    portefeuille mobilier. Le reste étant majoritairement en fonds euros. Ma performance 2009  a été de + 19.45% sur la partie spéculative, et l’ensemble de mon portefeuille mobilier a dégagé une
    rentabilité de 4.60%. Ce qui est confortable avec une inflation de 0,1%, mais finalement peu ambitieux…
    Pour un portefeuille de type A, quelle rentabilité pourrait-on espérer pour 2010 ?

  14. La progression des indices actions devrait être beaucoup moins importante en 2010 voire négative si accident. Je fais une exception pour les émergents et le petrole mais j’attends le moment le plus
    favorable. Il est possible de speculer avec les parapétrolières en accompagnant les hausses et en les revendant dès que les marchés rebaissent comme en trading sur force. Le risque est faible de
    les acheter un peu cher. Meme si elle rechutent, elles vaudront beaucoup plus dans 5 ans.

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